On trouve la trace du lieu-dit « Vassel » (où se situent « Les Eaux Deux Sources ») dans les archives municipales de 1464.
Nous savons donc que la ferme existait déjà à cette époque. Elle s’est agrandie et transformée au fil du temps et au gré des générations qui y ont vécu, chacun apportant sa pierre à l’édifice.
En 1824, nous la trouvons matériellement située et dessinée (à l’échelle 1/20 000) sur la première partie de la section D du plan cadastral (de Napoléon Ier) de la commune de Boffres. Y sont dessinés deux bâtiments bien distincts, l’un devant correspondre à « l’estau » (l’étable) surmontée de « la feneira » (la grange), l’autre à la partie habitation. Nous la voyons entourée de ses pâturages où paissaient les vaches. Bien entendu, le soir, avant la traite, il fallait les abreuver au « bachat » * (l’abreuvoir). Celui-ci est alimenté par deux sources (d’où le nom que nous avons donné à la propriété : « Les Eaux Deux Sources »), l’une se situant au Nord-Ouest, l’autre au Nord-Est de la ferme.
La cuisine ardéchoise
Dans un des gîtes subsiste « Lou bataor » * (la baratte) qu’on utilisait pour faire le bon beurre fermier onctueux et goûteux.
Les paysans Ardéchois vivaient de leur travail, en autarcie quasi complète. On tuait « lou cayou« (le cochon) deux fois par an, afin de préparer la « cochonnaille » : lard, pâtés, saucissons, jambons, gratton, caillettes, jambonnette… et avoir suffisamment de réserves pour passer l’hiver. On élevait les porcs avec les restes de nourriture et les épluchures des légumes (Rien ne se perdait !). On préparait leur repas dans la « chaudière« * (sorte de grosse marmite en fonte), qui servait ensuite à faire cuire le boudin !!!
Évidemment les poules fournissaient les œufs, notamment pour la fameuse « crica » (crique : sorte de galette à base de pommes de terre râpées). Le jardin fournissait « las trifoles« (les pommes de terre) pour la « bombine » (sorte de ragoût de patates), ainsi que les salades et les « bledas« (bettes) pour la « calieta » (caillette : grosse boulette de viande de porc hachée et de « vert » : feuilles des légumes à côtes). Vous pourrez découvrir un authentique « copachaul« * (éminceur à choux) dans le grand gîte.
On cuisait beaucoup de choses dans le four à pain, qu’on allumait une à deux fois par mois : les caillettes, les pâtés de toutes sortes, les grandes platées de bombine, le pain de froment, le pain de « castagne » (châtaigne)…
La clède où l’on faisait sécher les châtaignes et les champignons à l’automne a été transformée en un petit gîte.
L’hiver, la soupe au lard embaumait toute la maison. On était frugal à cette époque, le lard était réservé aux hommes, les femmes et les enfants se contentaient des bouts de « trifoles« , de « carotas » et de « chaul« . Les hommes faisaient « chabrot » : un peu de vin dans un fond de soupe, et hop ! on buvait à même l’assiette ! Ensuite, ils la sauçaient soigneusement avec un bout de pain, avant de terminer le repas par un bout de « picaudon » (fromage de chèvre), à la pointe du couteau. Il l’utilisait aussi bien pour se servir du pâté, se couper un bout de pain ou de saucisson, que pour raccourcir une ficelle, émincer le petit bois ou ramasser les champignons…
Chacun avait son « cotel » (couteau) et le gardait toute sa vie durant, au fond de la poche de ses « brailles » (pantalons).
La grande pièce à vivre servait de cuisine. On y voit encore l’évier en pierre, un meuble encastré dans le mur, où on y « serrait » les provisions. On mettait la viande à fumer dans « lou cantou » ; cette grande cheminée servait de fumoir, de cuisinière et de lieu où se réchauffer, tricoter, faire la cuisine, on y vivait presque dedans ! Les ustensiles de cuisine étaient pendus dans la cheminée, à portée de la main, et les produits alimentaires de base (sel, sucre, café) remplissaient des boites émaillées posées sur le dessus de cheminée. Le soir, on « bassinait » les lits (les chauffer avec une « bassinoire« * remplie de braises chaudes), puis on « couvrait » le feu (le recouvrir de cendres) et, le matin, on soufflait sur les braises chaudes avec « lou bouffaïre« * (sorte de tuyau en bois) pour faire reprendre le feu.
Il va sans dire que jusqu’après la seconde guerre mondiale, le bois était la seule source d’énergie calorifère.
Les vieilles restaient à surveiller la soupe, à éplucher les châtaignes ou à tricoter au coin du feu. Les vieux fabriquaient de petits objets en bois, s’occupaient à de petites réparations. Tous rendaient leur dernier soupir dans leur lit et étaient portés en terre (non consacrée !) sur la propriété, après un office au temple de Boffres pour leurs funérailles. C’est qu’on était de vrais « parpaillots« (protestants) à Vassel, et qu’on l’est resté malgré les guerres de religion qui ont endeuillé le XVIème siècle ! On peut retrouver les traces du cimetière protestant sur la propriété*.
Les animaux
Ici la mule tractait le « char à banc » *, pour aller vendre le beurre ou les œufs au marché. Le cheval de trait tirait « l’araire » * (la charrue, toujours présente sur la propriété) pour quelques arpents de blé, qui se fauchait et se liait à la main. On le débottait au coupe-botte*, avant de le battre, de le tamiser et de le porter au moulin*. A la « foire » aux bestiaux, le « grain » pouvait aussi servir de monnaie d’échange, lorsqu’on n’avait pas de monnaie sonnante et trébuchante en poche.
En Juin, le cheval était attelé à la charrette à foin* qui se récoltait « avé lou rastel » * (au rateau) et s’aérait à la fourche*. Que ça sentait bon dans la campagne ! Et à la maison, c’était l’époque du « cayou au fen » (porc au foin) qui mijotait pendant des heures et des heures dans la « chaudière » !
Très certainement les vaches, elles aussi, ont été attelées par paire (« la boeïre »), car outre des fers à chevaux*, nous avons retrouvé quelques fers à bovins* et un joug*.
L’activité de la ferme a cessé dans les années 1960. Les bêtes et la ferme ont été vendues et ses terres morcelées.
Et ainsi…
Nous l’avons rachetée en 2015. Les débuts furent épiques, et là, j’ai vraiment compris ce que les anciens m’ont raconté :
En 1950, on descendait dans la pièce à vivre, semi-enterrée. Les couches des enfants gelaient en hiver, au lieu de sécher, même à l’intérieur de la maison ! La soute à cochons était attenante au logement, de même que l’étable (pour profiter un peu de chaleur animale). Cela faisait office d’isolation ! Bon moi, je dormais avec mes chiens et mes chats, devant la cheminée, toute habillée (bonnet, chaussette, doudoune). Par chance, j’ai évité la lessive au lavoir. Ah ! Pour sûr, c’étaient des durs à cuire, ces « parpaillots » !
Légende
« pâtois de la région » mot en occitan (Traduction ou définition)
* peuvent vous être montrés